Au son vibrant de la rencontre
Virtuose du cor des Alpes, Lisa Stoll a tissé des liens étroits avec la région. De passage à Lens, elle a fait plus ample connaissance avec un instrument aussi emblématique que le sien : le yidaki (didgeridoo). Visite à la Fondation Opale dont l'actuelle exposition présente ce "frère" millénaire venu d'Australie.
En écho au ciel orageux de ce dimanche de juin, un cor des Alpes résonne sur les bords du lac du Louché. Des applaudissements retentissent sur la terrasse de la Fondation Opale. « Je cherche à entrer en relation avec le lieu où je joue. En extérieur, le son se perd parfois avec le vent ».
Sur une étendue d’eau, comme ici, il glisse et ça sonne bien », explique, tout sourire, Lisa Stoll. Les félicitations d’un admirateur de passage confirment les propos de la sympathique musicienne : « Ça prend aux tripes. C’est une communion avec la nature », s’exclame-t-il en soulignant à quel point il apprécie le cor des Alpes si ancré dans le terroir. Comme Lisa un peu plus tôt, ce résident secondaire établi à Neuchâtel est venu découvrir la nouvelle exposition du Centre d’art de Lens. De Breath of Life – La vie n’est qu’un souffle, il retient avant tout la dimension spirituelle de la présentation mettant en évidence le yidaki (didgeridoo), instrument traditionnel australien devenu avec le temps le symbole de tout un pays.
UN SON QUI RIME AVEC GUÉRISON
Cher au cœur des peuples du nord-est de l’Australie – d’où il tire ses origines – le yidaki, plus communément appelé didgeridoo, comporte de multiples facettes, souvent méconnues. À commencer par son nom. Onomatopée donnée par les colons européens, le mot didgeridoo fait référence au son de l’instrument. Les Yolŋu l’appellent yidaki, mais il ne s’agit là que d’un terme générique qui change selon sa provenance géographique.
De même, ses formes, ses sonorités, les décorations varient en fonction des artistes qui lui donnent vie et des usages qui lui sont réservés. Plus qu’un instrument, le yidaki est un prolongement de l’humain, un marqueur culturel et social. Compagnon des rites et cérémonies, les initiés lui prêtent de puissants pouvoirs guérisseurs. Autant de caractéristiques qui suscitent le vif intérêt de Lisa : « Le cor des Alpes ne possède pas ce caractère sacré. »
La jeune instrumentiste marque encore un temps d’arrêt devant la vidéo détaillant la manière de faire vibrer ce « simple » bout de bois d’eucalyptus creusé par des termites. « Le didgeridoo produit une note longue, impressionnante à écouter et qui s’obtient grâce à une technique de respiration circulaire. J’ai déjà essayé d’en jouer. Sans succès », confie-t-elle. Et pourtant en matière de bonnes notes, elle maîtrise toute la gamme.
Née à Schaffhouse en 1996, Lisa Stoll s’initie à l’art musical dès l’âge de 6 ans avec une flûte à bec. À 8 ans, elle passe au cornet et deux ans plus tard, elle se laisse séduire par le son envoûtant du cor des Alpes. « Un ami villageois m’a donné le sien pour essayer. C’est toujours celui que j’ai. Il a déjà 20 ans. » Dès 2008, elle enchaîne concours et distinctions. Elle participe à de nombreux concerts et rendez-vous traditionnels, dont celui de la Fête fédérale de la musique populaire, il y a deux ans, à Crans-Montana.
INSTRUMENTS RASSEMBLEURS
Si c’est d’abord pour son fascinant son que Lisa a fait du cor des Alpes son instrument de prédilection, la convivialité qu’il crée autour de lui l’a définitivement convaincue de son choix.
« Il facilite les rencontres. La scène folklorique est d’ailleurs une grande famille », relève-t-elle. De basique outil de communication des vachers à l’image d’Épinal d’une Suisse authentique, le cor des Alpes s’est élevé au rang d’instrument noble. Chantre d’un retour aux racines, il rejoint là son homologue des antipodes. Au-delà de ce qu’ils symbolisent, le cor des Alpes et le yidaki offrent une passerelle rassembleuse à qui veut bien prendre le temps de ressentir leurs vibrations.
Légende photo : De passage à Lens, Lisa Stoll a offert une improvisation musicale aux visiteurs de la Fondation Opale. ©Pierre-Armand Dussex