Il n’y a pas de petites montagnes
Qu’elles soient nées dans les Alpes ou dans l’Himalaya, les populations montagnardes partagent une même fascination pour les sommets. Pas surprenant que valeurs, traditions ou encore expressions de la spiritualité présentent des similitudes. Lors de son récent passage dans notre région, le guide népalais Tendi Sherpa a témoigné de la force de ces liens qui se tissent au-delà des frontières.
En ce matin de février, les retrouvailles entre Caroline Ogi-Stefanazzi et Tendi Sherpa sont particulièrement chaleureuses. Il y a vingt ans, la restauratrice de Crans-Montana participait à un trekking d’un mois dans l’Himalaya, sous la responsabilité de son ami Tendi. Ce séjour au pied des plus hauts sommets de la Terre, tout comme le dévouement et l’humilité du jeune guide ont touché Caroline : «Tendi est une personne magnifique avec un très grand cœur qui est fier de son pays. Ce voyage a pris une dimension véritablement spirituelle.»
En découvrant le spectacle grandiose offert par l’Everest, mais aussi en discutant avec Tendi le soir durant l’étape, Caroline prend conscience que les montagnes occupent une place particulière dans sa vie. Ce n’est qu’à son retour en Suisse qu’elle mesure le bouleversement qui s’est opéré : «J’ai de beaux souvenirs avec mon grand-père, guide de montagne. Il avait les mêmes valeurs et le même respect pour les sommets. Après ce voyage dans l’Himalaya, j’ai réalisé à quel point notre pays était également magnifique et qu’à travers ma famille, j’étais vraiment une montagnarde.»
PHILOSOPHIE INSPIRANTE
Côtoyer Tendi, c’est recevoir en cadeau un peu de sa philosophie inspirante. Son parcours de vie a contribué à forger une personnalité forte et généreuse. Enfant, dans son village isolé du Kembalung de l’est du Népal, Tendi érigeait avec ses frères des petits monticules de neige pour mimer les expéditions à l’Everest auxquelles participait son père. Dès l’âge de 13 ans et pour un maigre salaire, il devient porteur à son tour. Lors de sa deuxième saison au camp de base de l’Everest, il atteint pour la première fois le toit du monde à tout juste 19 ans, dans des circonstances qui tiennent autant du hasard que de son incroyable détermination.
L’année suivante, il se rend en Valais pour seconder le gardien de la cabane des Audannes. C’est à cette occasion qu’il développe une soif d’apprendre qui ne l’a pas quitté depuis : «Le soir après le repas, je demandais à Armand Dussex, le gardien, de m’enseigner le français, mais aussi de m’expliquer comment bien m’occuper des touristes. Je voulais toujours en savoir davantage, le plus vite possible et Armand m’y encourageait. C’est encore grâce à l’aide de son association que j’ai pu suivre la formation de guide au Népal.»
À TOUTE ALTITUDE
De ses séjours en Valais, Tendi garde des souvenirs inoubliables. Comme son apprentissage du ski sur les pistes de Crans-Montana ou encore cette improbable expédition au Wildhorn qui a failli mal tourner : «À la cabane des Audannes, un groupe m’a proposé de les accompagner au sommet du Widhorn, à 3248 mètres d’altitude. Je venais de faire le sommet de l’Everest pour la première fois et je me suis dit que c’était à peu près l’altitude de Namche Bazar, dans le Kumbu. Mais j’étais très mal habillé. Le brouillard est arrivé et un vent violent s’est levé. On s’est perdus et j’ai commencé à avoir les mains et les pieds gelés. Ma préoccupation n’était plus de gravir le sommet, mais plutôt de revenir sain et sauf. Heureusement on a fini par retrouver le chemin du retour. Depuis lors, je me souviens que les montagnes ne sont jamais petites. Il faut toujours toutes les respecter.»
Malgré le réchauffement climatique qui rend son métier plus difficile, malgré la surfréquentation de l’Everest dont il tentera une 15e ascension en mai prochain, Tendi espère guider des clients sur le toit du monde durant quelques années encore. Il souhaite seulement que le gouvernement népalais limite le nombre de permis accordés pour y accéder.
Légende photo : Dans le cadre d'un programme s'adressant à des alpinistes aguerris, Tendi Sherpa accompagne des clients sur les plus hauts sommets du monde, comme ici, à l'Everest. ©Collection privée Tendi Sherpa
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Caroline Ogi-Stefanazzi et Tendi Sherpa, amis pour la vie. Le guide népalais et la restauratrice de Crans-Montana ont tissé des liens solides lors d’un trekking, en 2003, dans la région du Kumbu. ©Pierre-Armand Dussex
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Pour participer à des formations de secours en montagne, Tendi s’est initié au ski à Crans-Montana. Des instructeurs bénévoles de la région l’ont aidé à progresser. ©DR
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Le guide népalais puise dans la philosophie bouddhiste la sagesse nécessaire à la pratique d’un alpinisme respectueux des montagnes et des populations. ©DR
LA MONTAGNE EST LEUR MAISON
Peu importe le continent où ils sont nés, tous les montagnards partagent le même respect pour les sommets.
Tendi Sherpa rend visite à Caroline Ogi-Stefanazzi
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Tendi Sherpa revient sur la naissance de sa vocation
Tendi Sherpa nous raconte sa première ascension de l'Everest
Fondation Opale
En février 2023, la Fondation Opale a accueilli Tendi Sherpa pour une conférence sur la culture sherpa. Le Centre d’art contemporain de Lens a offert au public venu nombreux un nouveau dialogue enrichissant entre les peuples. À l’issue de sa prestation très appréciée, le guide népalais s’est prêté avec enthousiasme à une séance de dédicace organisée pour la publication de sa biographie.