En quête de purs bonheurs pour vos papilles
Aux derniers classements dans les guides Michelin ou Gault&Millau, Crans-Montana s’impose comme une incontournable destination gourmande. Avec quelles exigences qualitatives ? Pour quelle clientèle ? Interviews croisées et culinaires
Petit ciel gris, ce lundi 30 octobre, mais sourires ensoleillés sur les visages de toute la famille Cordonier. Durant le week-end, leur fromage a décroché la médaille d’argent aux Championnats du monde de la raclette, à Morgins, face à 87 autres producteurs, dans la catégorie raclette au lait cru d’alpage. Lorsqu’on le rencontre au Domaine de Revouire à Lens, les premiers mots de Pascal sont : « C’est le travail de toute une équipe. » Lorsqu’il a appris la nouvelle, il affrontait un problème de génératrice. Devant ses brebis, son cri de joie a effacé la contrariété. « Bon, cela fait longtemps que l’on sait que l’on est les meilleurs du monde », plaisante Pascal.
S’ADAPTER À LA DEMANDE
D’autres étoiles et notes sont tombées durant le mois d’octobre. Celles du Michelin et du guide Gault&Millau. Certains spécialistes ont noté que Crans-Montana et Zermatt effectuaient une véritable razzia. Y a-t-il un secret ? « Les stations concentrent plus de moyens et il est plus facile de recruter des gens de talent », estime Yannick Crepaux du MontBlanc. Franck Reynaud, à l’Hostellerie du Pas de l’Ours, remarque, lui, que les « jeunes promus, eux, ne se trouvent pas forcément entre Zermatt et Crans-Montana ». « Cela souligne le travail des restaurateurs, car il est plus difficile de s’imposer en altitude qu’en plaine », observe Nathalie Ravet de l’Œnothèque Gourmande.
Alors, justement, existe-t-il une clientèle type, propre à Crans-Montana ? « Elle évolue surtout en fonction des saisons. Nous nous sommes très vite aperçus de la différence, notamment au niveau des horaires, entre celles d’hiver et d’été. Nous nous sommes adaptés dans nos heures d’ouverture, c’est le gros avantage d’œuvrer en famille », précise Nathalie Ravet.
Yannick Crepaux relève le mélange entre les gourmets de la plaine, venus de tout le Valais, et les touristes. « Après, c’est le propre d’un cinq étoiles de s’adapter au pied levé à toutes les demandes : kasher, halal, sans lactose, sans gluten, végétarien… Le but, c’est de bien manger. » Franck Reynaud constate que la clientèle autochtone est plus importante. « Je dirais que notre philosophie est de soigner celle-ci davantage. Mais qu’ils soient étrangers ou d’ici, nous nous devons de proposer une cuisine cohérente correspondant au lieu où nous vivons et par conséquent de travailler avec des artisans locaux. »
Le chef met l’accent sur les relations avec les producteurs du cru. Il va de soi que ces passionnés des fourneaux les connaissent personnellement. « Mon fromager habite à 300 mètres de la maison », remarque Yannick Crepaux.
Toutes et tous visent des provenances suisses et valaisannes selon les saisonnalités. Puis cela se nuance. « Quand les gens nous demandent de la saucisse aux choux, elle sera vaudoise », sourit Nathalie Ravet. Et les approches varient au sujet de la pêche. « Il n’y a pas trop de mers dans le coin », relève Yannick Crepaux qui ne rechigne pas à l’importation comme Nathalie Ravet. Franck Reynaud a opté pour un choix plus radical. « Il n’est plus question pour moi de proposer des coquilles Saint-Jacques ou des huîtres. Irais-je manger une fondue en Bretagne ? Irais-je boire un fendant en Provence ? », interroge-t-il.
ÉVITER LE PIÈGE
En ce qui concerne les nectars de la vigne, la sélection a été large et ouverte. « J’ai goûté ou fait venir un échantillonnage d’une centaine de vins avant de mettre plus d’une soixantaine, issus du Valais, sur la carte », glisse Nathalie Ravet. Yannick Crepaux délègue cette tâche à son sommelier. « Je préfère éviter, cela serait un piège pour moi », rigole-t-il.
Quelles que soient les distinctions distribuées, chacun se montre le plus exigeant des juges envers soi-même. Au Domaine de Revouire, Pascal Cordonier explique comment il aimerait s’améliorer avec une laiterie mieux adaptée. Mais ça, c’est une autre histoire…
Légende photo: En toute saison, les grands chefs de la destination prônent le local. « Un cinq étoiles se doit d’être souple et s’adapter aux besoins de la clientèle », précise Yannick Crepaux qui a obtenu 17 points au Gault&Millau. ©Luciano Miglionico