Sur les traces des chiroptères

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Sur les traces des chiroptères

Une grande grotte de gypse où lacs, failles et éboulis se succèdent. Un paradis pour les spéléologues, mais aussi pour les chauves-souris, les grands murins en particulier, avec la plus importante colonie du pays. La grotte de Vaas, sur le coteau de Flanthey, c’est tout cela à la fois.

«J’ai tout de suite adoré ! » Questionné quant à l’origine de sa passion pour la spéléologie, Régis Bagnoud fait preuve d’enthousiasme. Ses premiers pas dans la grotte de Vaas, à quelques encablures de la cave qu’il dirige avec Simon, son jumeau, le Flantheysan les a faits il y a trois ans. « Je passais en voiture lorsque j’ai vu Anouk et Chab qui se préparaient en bordure de route. » Ce dernier, Charles-Albert Lathion de son vrai nom, est un vieux de la vieille membre depuis toujours du Groupe de spéléologie rhodanien (GSR) qu’il a longtemps présidé. Immédiatement, il suggère au jeune encaveur d’essayer. Régis Bagnoud n’hésite pas. Il accepte et se change. « J’avais l’essentiel de l’équipement requis puisque ce jour-là j’hésitais entre une via ferrata et une marche en montagne. » Et le voilà à la découverte de la grotte de la Crête de Vaas.

VISITE GUIDÉE VERBALE

On propose à Régis Bagnoud de nous faire envie en nous racontant le parcours. Pour un vigneron, ça commence plutôt bien puisqu’il faut d’abord crapahuter entre les ceps pour rejoindre, un peu plus bas, l’entrée de la grotte. Une ouverture barrée par un portail doublé d’un écriteau précisant qu’elle est interdite au public. « C’est une manière de limiter cette escapade aux spéléos confirmés ou bien encadrés. Les effondrements sont assez fréquents dans ces terroirs de gypse. Le danger existe », souligne Chab Lathion qui a déjà accompagné de nombreux débutants dans cette balade souterraine.

Le portail franchi, il faut descendre dans une zone d’éboulis. « Il n’y a pas vraiment de sentier, mais ce n’est pas trop compliqué. » Une quarantaine de mètres de dénivelé négatif pour parvenir à la nappe phréatique qui forme un petit lac. Un premier passage à franchir à quatre pattes permet de déboucher sur une grande salle. « C’est mon coin préféré », lâche le jeune encaveur. Quarante mètres de large, 250 de long et 40 de hauteur : c’est un terrain vallonné, une colline d’effondrement qui permet d’arriver au plus grand lac de la grotte.

Puis, les choses se compliquent avec des passages de « ramping » suivis d’une zone où il ne faut pas craindre de se mouiller. « On est accroupi dans une eau à 14°, mais on n’a pas froid tant qu’on avance. » Après ce passage, on reprend la marche. Ce sont des sortes de méandres qui mènent au terminus, jusqu’à une zone d’effondrement. Au total, toutes galeries confondues, on a progressé de 1,6 km. « Il faut compter près de trois heures pour arriver à l’extrémité. Et autant pour le retour, bien sûr », conclut notre guide virtuel.

DES OCCUPANTS PROTÉGÉS

Voilà pour la grotte : reste à parler de ses habitants. Et ça, c’est la spécialité d’Anouk Lettman, biologiste et correspondante régionale du Réseau Chauve-Souris Valais. Car la grotte de Vaas abrite une belle colonie de grands murins, la plus fournie du canton. Derrière cette appellation, une espèce des plus grandes chauves-souris vivant en Suisse où elles sont rigoureusement protégées : plus de 40 cm d’envergure et un corps approchant les 10 cm. « Pour être précis, il faut souligner que dans la colonie forte de quelque 260 chauves-souris, on dénombre environ 90 pour cent de grands murins, le reste étant constitué de petits murins. Mais il est difficile de les différencier sans les capturer », explique Anouk Lettman.

Ces chiroptères sortent la nuit pour aller chasser, notamment des coléoptères comme les carabes, une friandise très appréciée. « Elles parcourent souvent plusieurs kilomètres pour trouver leurs proies en milieu forestier. Elles mangent chaque jour l’équivalent de leur poids », précise la spécialiste. Les grands murins sont là la majeure partie de l’année. Mais l’hiver, la grotte est trop chaude pour hiberner. Elles cherchent alors un peu partout en Valais des failles où la température est plus basse, mais stable, tout comme l’humidité.

À noter que la lumière est la principale ennemie des chauves-souris. Généralement, dans la grotte de Vaas, les conditions sont donc très favorables. Et le panneau qui en limite l’entrée constitue dès lors un allié protecteur. Car trop de passages des amateurs de spéléo pourraient leur être nuisibles. Qu’on se le dise !

 

  1. Anouk Lettman se faufile dans un passage étroit entre des veines de schistes et de gypse au bas de la rampe d’entrée de la grotte. © Chab Lathion

  2. Un petit air de vampire pour le principal hôte de la grotte de Vaas. C’est un grand murin assez impressionnant par sa taille et sa dentition. © Marc Bastardot

  3. Il ne faut pas craindre de se mouiller dans certains passages. Le coup d’œil sur la blancheur de la voûte de gypse se mérite. © Chab Lathion

Légende photo : Nos guides au bord du plus grand lac de la grotte de Vaas avec ses 80 mètres de longueur : Régis Bagnoud à gauche et, au fond, à droite, la biologiste Anouk Lettman.©Chab Lathion

SPORTIF, SVELTE ET BIEN ÉQUIPÉ

Pour visiter la grotte de Vaas, quelques précautions s’imposent. Au niveau de la condition physique, pour commencer. Pas besoin d’être un athlète accompli, certes, mais il faut tout de même être en bonne forme. « Un peu sportif, et pas trop corpulent ! », lâche Régis Bagnoud qui rappelle qu’il faut parfois se glisser dans des failles assez étroites. Et l’exercice demande aussi des qualités mentales. La patience et le calme font partie de ces prérequis fort utiles lorsque la situation est plus compliquée. « Comme on ne voit pas au-delà du faisceau de la lampe, on ne sait jamais où est le bout d’une galerie avant d’y arriver. Il faut savoir doser son énergie et en conserver pour le retour », relèvent les spéléologues.

Et question équipement ? Casque, genouillères, gants, chaussures de montagne ou bottes, lampe frontale font partie du matériel de base. Sans oublier bien sûr une combinaison ou au moins des salopettes. « Et j’ajouterai qu’il ne faut surtout pas avoir peur de se salir, complète Régis Bagnoud tout sourire. Il arrive qu’on doive gérer de petits instants de panique. Mais on a l’habitude de rassurer et d’aider à passer ces moments plus difficiles », conclut Chab Lathion.

Chasseurs de CHAUVES-SOURIS

Accessible aux personnes entraînées et bien équipées, la grotte de Vaas regorge de richesses, dont la plus importante colonie de grands murins du pays. L’encaveur Régis Bagnoud, passionné de spéléologie, la biologiste Anouk Lettman, correspondante régionale du Réseau Chauve-Souris Valais et Chab Lathion, photographe et membre du Groupe de spéléologie rhodanien, partagent leur paradis sous-terrain à travers cette galerie.



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