Le charme intact des années 1960

Le charme intact des années 1960

Des goûts et des cultures

Le charme intact des années 1960

L’association ICOMOS a décerné le prix « Hôtel historique 2022 » à Chez Elsy, initialement nommé Crans-Sapins. Cette bulle temporelle a été préservée par trois générations qui ont appris à reconnaître progressivement la richesse d’un patrimoine retrouvé.

Sur le comptoir, une tirelire en forme de cochon attend les dons « Pour le thermoplongeur de notre chef Colin ». « Auparavant, nous avions une autre collecte destinée aux nouveaux rideaux du restaurant », précise Elodie, diplômée en économie et droit. Avec sa sœur Anne (architecte), sa maman Erika et sa grand-maman Elsy, elle assure destinée et gestion de Chez Elsy Crans-Sapins. En novembre 2021, cet établissement décroche la distinction « Hôtel historique 2022 » décernée par l’association ICOMOS. Après sollicitation de l’INFO, voilà Elsy, Erika, Elodie et Anne réunies en ce début janvier.

Une demi-heure après le début de l’interview, un client, la trentaine barbue, lance : « Je n’ai pas pu faire autrement que de vous entendre. Je vous demande juste une chose : ne changez rien ! S’il vous plaît ! » La pérennité se retrouve justement au cœur de nos échanges. Car c’est elle qui a conduit au Prix et à beaucoup d’émotions positives. « Lorsque nous l’avons reçu, tout le monde était ému. Il y avait quelque chose qui se passait, décrit Erika. Il fallait aussi être prête à le recevoir. J’avais l’assurance que mes filles Elodie et Anne s’impliquaient à leur tour. Sans ça, je ne l’aurais pas fait ! » Très vite, derrière les mots, se dessinent les contours d’une progressive reconnaissance.

CARLOS SUR LA TERRASSE

Crans-Sapins naît en 1961 avec comme père bâtisseur Jean Suter. L’architecte, ami de la famille Praplan, a des visions modernistes qui se traduisent notamment par un toit plat. Le terrain choisi ne se trouve pas au centre de la station. « Le fait d’avoir un hôtel très excentré, de l’avoir confié à Jean Suter, on a traité mes parents de fous », se souvient Erika. Elle y grandit et y collectionne les souvenirs. Le premier qui lui revient en mémoire ? Il lui semble que ce serait la présence du terroriste Carlos sur la terrasse de Crans-Sapins, un jour de son enfance. Sinon, l’hôtel affiche une discrétion médiatique. Très peu d’articles se réfèrent aux lieux si ce n’est, en mars 1963, un cours de raclette donné à des enseignants congolais ! Crans-Sapins se fond dans le paysage du quotidien.

« Le Prix a permis de rappeler que cet hôtel existait, car on ne le voyait plus », disent d’une même voix Erika, Anne et Elodie. Vers 2017, l’historienne Sylvie Doriot participe à la reconnaissance de Crans-Sapins. Il reprend de la valeur en premier lieu aux yeux de celles qui y travaillent. « Pour moi, c’est un patrimoine retrouvé pour les gens qui y sont déjà sensibles », dit Sylvie Doriot.

RÉSISTANT COMME ASTÉRIX

Le mouvement des années soixante intéresse et est étudié. « Dans mes cours d’architecture, cela m’a fait bizarre de voir le lieu de mon enfance être cité. Je ne m’y attendais pas », confie Anne. Avec sa sœur Elodie, elle y insuffle une nouvelle énergie. « Nous avons rafraîchi la peinture, changé les rideaux. L’architecture de Chez Elsy Crans-Sapins est top en termes de design. Il y a toutefois des améliorations plus importantes à apporter, pour lesquelles nous cherchons toujours un prestataire qui nous dise autre chose qu’“il faudrait tout enlever”. Nous savons où nous allons », garantissent Elodie et Anne qui ont mis l’hôtel sur Facebook, Instagram et créé un nouveau site internet.

Tout peut rester dans son jus, car la firme qui a réalisé le mobilier de base existe toujours. « Et il reste joli ! », soutient Elsy. Cette bulle temporelle hérite de commentaires positifs et d’un réel intérêt de la part des visiteurs. « Je n’ai jamais autant fait de bons-cadeaux que cette fin d’année 2021 », se réjouit Erika. Contre les vents et marées d’un modernisme avant-gardiste, mais dépassé pour certains, nos trois générations se sont contrefichées de l’évolution des modes. « Chez Elsy Crans-Sapins, c’est un peu le village d’Astérix qui résiste. J’aime bien cette image » apprécie Elodie.

Légende photo : Elsy, Elodie, Anne et Erika près de la réception, à côté d’un standard téléphonique datant de 1937, année de naissance d’Elsy Praplan. Elodie et Anne sont attachées à Crans-Sapins. Et il y a une chose dont les deux sœurs sont certaines, c’est qu’elles n’auraient jamais pu passer devant avec le regret de l’avoir vendu sans rien essayer. ©Luciano Miglionico

  1. Distinction
    Distinction

    22 novembre 2021 : remise du prix « Hôtel historique 2022 ». Cette distinction récompense un lieu qui a su rester fidèle à son époque. Elle est décernée par l’International Council On Monuments and Sites (ICOMOS) impliquant GastroSuisse, HôtellerieSuisse et Suisse Tourisme.

  2. Reconnaissance
    Reconnaissance

    Dès 2005, l’historienne Sylvie Doriot s’est mise à rédiger textes et brochures autour de l’hôtellerie du Haut-Plateau. Sa réflexion a touché toutes les périodes. « C’est grâce elle que nous avons pris conscience de ce que nous avions », déclare Erika Praplan.

  3. Patrimoine
    Patrimoine

    L’hôtel attire une nouvelle clientèle sensible au patrimoine. L’établissement était le seul valaisan à concourir et le premier daté d’après-guerre à passer devant le jury.

SUR UN AIR DES ANNÉES 60

Quatre femmes, trois générations, un hôtel, une distinction : un patrimoine pour toute une destination ! Elsy, Elodie, Anne et Erika offrent aux années 60 un écrin d’expression hors du commun au sein d’un établissement de la destination récemment distingué par ICOMOS. Organisation internationale non gouvernementale, cette association œuvre pour la conservation des monuments historiques. Visitez la chambre n°8 en compagnie de Anne, architecte et hôtelière. Et histoire de vous plonger pleinement dans l’ambiance des sixties, appréciez notre galerie photos réalisée lors de la remise du prix "Hôtel historique 2022" à l'établissement Chez Elsy.

La visite de la chambre 8


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