Le semi-confinement sur un air de fanfare
Le mouvement a pris une ampleur cantonale. Il a forcément gagné Chermignon. Depuis le 21 mars, les musiciens et chanteurs du village font résonner les ruelles désertes au son de mélodies choisies. Immersion émue dans un samedi soir pas comme les autres…
Ce samedi-là, au plus fort de la pandémie de coronavirus, tout ce que Chermignon compte de musiciens et de chanteurs s’est mobilisé. Il y a les deux fanfares locales des Blancs et des Jaunes, l’Ancienne Cécilia et la Cécilia, ainsi que la chorale du «bled», le Chœur mixte de Saint-Georges. Oubliées les rivalités ancestrales (elles se sont quand même bien estompées), envolée la quête de titres et de performances musicales ! Non, l’objectif - ici - est d’apporter un peu de réconfort, d’espoir, et d’égayer, même furtivement, une population meurtrie par les événements.
Grands classiques revisités
Le concept est parti d’une poignée de mélomanes et de passionnés fulliérains. Qui, plutôt que d’applaudir le corps médical et toute autre corporation méritoire sur leur balcon, ont préféré s’exprimer par leur tribune de prédilection : la fanfare. Des vidéos ont été diffusées sur les réseaux sociaux et le mouvement, quasi frénétique, a rapidement gagné l’ensemble du canton. Dans les villages surtout. Un comité cantonal officieux s’est même improvisé, à la hâte, pour décider, de semaine en semaine, des morceaux qui allaient être interprétés. De Bella Ciao à l’hymne national, en passant par l’incontournable Marignan et le non moins fameux Sentiers valaisans, le répertoire des plus grands classiques a été revisité.
Il est 20h30, ce samedi-là donc, et Chermignon-d’en-Bas est déjà plongé dans le calme absolu, presque angoissant, et l’obscurité naissante. À deux pas de l’arrêt de bus, en face du Relais-Fleuri, nul besoin de tendre trop l’oreille pour percevoir les notes qui s’échappent d’une ancienne grange transformée en coquette demeure familiale. Loin de nous l’idée de jouer les voyeurs de service, mais on aperçoit distinctement, derrière les vitres éclairées, une bande de joyeux lurons. Qui s’astreignent à une mini-répétition sur le thème du jour, Sentiers valaisans en l’occurrence. La règle des cinq personnes est - de justesse - respectée, tout comme la distanciation sociale de deux mètres.
Une éclaircie dans la grisaille
Mélissa Lagger (cornet), Éric Duc (alto), Thomas Bagnoud (cornet), Damien Lagger (trombone) et Cyril Antille (basse Sib), un ami jouant à Noës mais domicilié à Chermignon, ont une demi-heure, guère plus, pour accorder leurs violons - façon d’écrire - et peaufiner leurs gammes. À 21 heures, ils se mueront en artistes de rue. «Ce n’est pas le genre de morceau que l’on joue habituellement dans les festivals ou devant un jury, souligne Éric Duc. Mais on va se concentrer et jouer du mieux possible.» Et d’ajouter sur le ton de la boutade : «Après tout, on a eu partition plus difficile à maîtriser…»
L’heure H a sonné. La bande des cinq n’a qu’à traverser la route pour se mettre en formation, en demi-cercle, se gardant bien, encore et toujours, de violer la distanciation sociale. Sur les balcons environnants, on devine des curieux. Quelques voisins, dont une mère de famille avec sa gamine émerveillée, accourent aussi pour ne rien manquer de l’éphémère récital. «Ça fait chaud au cœur de voir ça, s’émeut Cédric Briguet. Un grand moment d’émotion que j’attends chaque semaine. C’est une véritable éclaircie dans la grisaille, un bel élan de solidarité.» Un bus de la compagnie SMC passe au même moment. Le chauffeur offre un coup de klaxon complice - et un grand salut - aux cinq virtuoses et à leur public. Au loin, on entend également des notes d’autres musiciens disséminés dans tous les quartiers du village, selon une savante répartition.
Un plaisir réciproque
Deux minutes et 37 secondes plus tard, si l’on en croit le time-code de la vidéo de notre téléphone portable, les Sentiers valaisans ont vécu. Quelques applaudissements nourris retentissent. Les gens ont la banane, les musiciens aussi. «L’ambiance des répétitions et des festivals nous manque, assure Mélissa Lagger. Ça fait du bien de se retrouver ensemble, même en comité restreint, pour sortir un peu et retrouver la sensation de jouer. On donne du plaisir aux gens, mais on en prend aussi. Et beaucoup !»
«Oui, mais de temps en temps, c’est bonnard de délaisser son instrument et de se ménager une petite pause. Il faut juste que cette trêve ne dure pas trop longtemps», surenchérit Thomas Bagnoud. «Par rapport aux villes, le contexte est différent, estime pour sa part Cyril Antille. Ici, il n’y a pas de grands immeubles avec plein de gens sur leur balcon. Nous, on doit se contenter de quelques auditeurs. C’est bien aussi ce côté intimiste. Notre message d’encouragement à la population, de toute façon, on le diffusera à travers une vidéo postée sur les réseaux sociaux.» Leur «forfait» accompli, les cinq musiciens termineront leur soirée par un mini-débriefing convivial. «Nous nous réjouissons d’ores et déjà de remettre ça samedi prochain…»
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Les soirées en VIDéOS
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