L’homme qui donne l’illusion du vivant

L’homme qui donne l’illusion du vivant

Une personne, une histoire

L’homme qui donne l’illusion du vivant

Bouquetin, sanglier, renard, faisan, mygale, gardon… : l’atelier de Christopher Berclaz à Loc ressemble à une arche de Noé. Sauf que le lieu est silencieux et les animaux immobiles.

Au sommet d’une ruelle pentue, à Loc, une maisonnette en bois. À l’intérieur, Christopher Berclaz s’affaire autour d’un buste de bouquetin monté sur un pied métallique. Avec une aiguille chirurgicale, il coud la peau. Le calme ambiant contraste avec les innombrables boîtes, étagères et tiroirs entrouverts contenant les nombreux outils et matériaux dont l’artisan a besoin. Et puis il y a les animaux, figés. Certains, comme le sanglier dont le buste garnit la paroi, ont des aiguilles d’acupuncture piquées vers le museau et les oreilles. « Elles servent à éviter que la peau ne bouge durant le séchage », indique Christopher Berclaz.

Métier rare

L’homme de 29 ans est préparateur en sciences naturelles, autrement dit, taxidermiste. À part la chasse et la pêche pratiquées en famille, rien ne le prédestinait à ce métier rare, qui compte moins d’une quarantaine de professionnels en Suisse. En 2016, après presque deux ans en anthropologie, théologie et philosophie à l’Université de Fribourg, le jeune Christopher ressent le besoin d’une activité plus pratique. Il découvre la taxidermie, mais ne trouve ni formation ni place de stage. Il s’envole alors pour les États-Unis où la pratique est très populaire. « Je me suis formé en Iowa et depuis, j’apprends tous les jours », note celui qui reçoit aujourd’hui des animaux du monde entier et en refuse très régulièrement.

Avec minutie et douceur il décrit ce métier si singulier et les principales phases complexes qui le composent : le dépeçage et l’écharnage, le tannage, qui rend la peau imputrescible et résistante, et la fabrication d’un mannequin en polyuréthane sur une armature en fer souple. Un mannequin que le taxidermiste sculpte ensuite pour respecter les proportions et la position qu’il veut donner à l’animal. Il y dresse les oreilles en tissu texturé qu’il aura fabriquées, et les garnit d’argile. Une argile qu’il dépose aussi à l’emplacement du museau, des pattes et autour des yeux en ovales de verre, afin de pouvoir ensuite les modeler à sa guise. Puis, le taxidermiste glisse la peau de l’animal sur le mannequin au préalable enduit de colle et la coud. Avec une précision folle, il étudie et redonne l’humidité d’un museau, les plis d’une peau, les couleurs d’un œil, l’éclat des écailles ou l’assemblage d’un plumage.

Entre la réception de la bête et sa livraison au client, il peut s’écouler jusqu’à une ou deux années. Un souvenir particulièrement marquant ? « La chance d’avoir collaboré au travail effectué sur un tigre de Sibérie. Mais l’intérêt n’est pas lié à la taille de la bête ; naturaliser un rouge-gorge est très délicat, une musaraigne exige du temps, il n’y a pas de règle. » Et puis, dans l’atelier, il y a ce chat qui dort en boule. « Je l’ai naturalisé pour une institution. Je ne naturalise en principe pas d’animaux de compagnie, car il est impossible de faire revivre un lien affectif ou ses expressions propres. Ce ne sera jamais du vivant.»

Légende photo : Christopher Berclaz naturalise surtout des animaux sauvages chassés ou trouvés morts par des privés ou des institutions, mais aussi des animaux d’élevage. © Luciano Miglionico



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