L’art de génération en génération

L’art de génération en génération

Des goûts et des cultures

L’art de génération en génération

Cela fait un demi-siècle que les galeries d’art se sont ouvertes sur le Haut-Plateau. Rappel historique et rencontre avec une passionnée, Fabienne Ciamparini-Bagnoud, d’Art Crans-Montana.

Il existe une précurseure dans le domaine des galeries d’art à Crans-Montana. Elle porte le nom d’Annie Robyr. Ses cimaises prennent leur élan voici exactement un demi-siècle, en décembre 1970 avec une exposition dédiée à Charles Menge. La Galerie Annie, en face de la patinoire d’Ycoor, affiche en grand « entrée libre » sur sa porte, car « les gens n’avaient pas l’habitude de pénétrer dans un espace pour  contempler », confie Annie au Journal de Sierre en février 1996. Son exemple donne très vite des envies.

Février 1971, la Galerie des Neiges présente des toiles de Bonnard, Chagall, Derain, Dufy, Van Dongen, Picasso, Renoir, Utrillo… Derrière ce « coup », le réseau d’Henri Meyer de Stadelhofen (alors directeur suisse d’Europe 1), Gaston Barras et Lelio Rigassi.

Un survol des agendas culturels - sur trois décennies - se révèle riche en informations. Il montre que les hôtels (Sport Club, Eden, Jeanne d’Arc, L’Étrier, Rhodania), la Clinique Lucernoise ou encore le magasin Bouby Sports dédient volontiers leurs murs aux artistes. L’Étrier instaure des ventes régulières d’œuvres signées Dali ou Picasso. L’hôtel Rhodania - en mars 1988 - présente de vrais faux Renoir, Picasso, Cézanne ou Van Gogh ! L’Eden, en janvier 2002, se pique de faire découvrir l’art aborigène, comme un prélude à la Fondation Opale. Février 1996, le Journal de Sierre recense une vingtaine de lieux d’exposition sur le Haut-Plateau.

Aux éphémères galeries Trocadéro (1975) du Terroir (1978) ou 2300 (1987, sponsorisée par les montres Jean d’Eve) répond dès le XXIe siècle une plus grande professionnalisation. En janvier 2011, on répertorie huit espaces dédiés autant à l’avant-garde branchée qu’aux valeurs sûres de jadis. Entre Basquiat et Klee, Dubuffet ou Christo, le collectionneur y trouve son compte (et vide celui de sa banque entre 5000 francs et plusieurs millions). Un spécialiste du marché y constate une prise de risques - donc de découvertes - limitée aux valeurs cotées. Le lecteur remarque aussi qu’environ 80 % de ces enseignes n’ouvrent qu’en haute saison.

AIDER LES ARTISTES

Dès lors, il y a eu des disparitions, puis des ajouts comme Art’Collections. D’abord galerie en janvier 2015, elle se mue en musée à partir de 2016 pour mettre en valeur les magnifiques collections de Bernard de Watteville. Automne 2020, le total des galeries se fixe à six, dont Art Crans-Montana tenue par Fabienne Ciamparini-Bagnoud dès le 1er août 2005. Sa première vente démarre sur un coup de cœur et finit en tôle froissée. « Une cliente italienne a vu une œuvre dans ma vitrine, cela lui a tapé dans l’œil et elle a tapé sa carrosserie ! », se souvient la galeriste. Jusqu’à sa cinquantaine, Fabienne cartonnait dans les cours de formation en informatique. Elle a freiné des deux pieds lorsque sa firme a souhaité l’envoyer à Londres. « J’ai décidé de faire ce qui me plaisait. J’ai voulu aider les artistes à se vendre, car ce sont de grands angoissés qui doutent de leur art et pourtant ils ont un talent fou et ne pourraient pas vivre sans créer. »

Authentique fanatique d’arts, Fabienne a lâché la bride à son instinct. « J’ai approché des artistes que j’aurais voulu avoir chez moi. Ce que j’aimais ne pouvait que plaire à d’autres. J’allais chez eux, notamment à Saint-Paul-de-Vence, leur demander de venir exposer, j’étais culottée sans m’en rendre compte ! » Aujourd’hui, lorsqu’elle traverse en voiture la station, elle situe géographiquement où « se trouvent des tableaux à moi », des œuvres proposées chez Art Crans-Montana et qui ont trouvé un nouveau lieu d’accueil. Par le choix de présenter les tableaux de Jerlef, Fabienne a même relevé le défi d’avoir une clientèle suisse ! « Ces petits bijoux marchent du feu de Dieu ! » Fabienne utilise plusieurs fois le mot « adorable » pour qualifier ses acheteurs. « Il y a aussi des grands-mères qui entrent et expliquent les peintures à leurs petits-enfants. Cela prépare une nouvelle génération d’amateurs d’art », se félicite-t-elle.

 

Légende photo : Fabienne Ciamparini-Bagnoud choisit depuis dix-sept ans les artistes de sa galerie selon ses coups de cœur. D’emblée, elle a opté pour une ligne « plus moderne et moins classique »

  1. Retour aux sources
    Retour aux sources

    La galerie Art Crans-Montana de Fabienne Ciamparini-Bagnoud se trouve dans la maison où elle a passé son enfance, au premier étage. « J’ai fait fort ! », s’en amuse-t-elle.

  2. Retour vers le futur
    Retour vers le futur

    Dès le début du XX e siècle, avec Albert Muret ou Louis-Ferdinand Hodler en passant par Kokoschka, Crans-Montana a été marquée par les artistes. Aujourd’hui, cela prend des allures plus contemporaines.

  3. Aller-retour
    Aller-retour

    Dès fin 2014, Bernard de Watteville ouvre une galerie dans une arcade de 200 m2 à Crans-Montana. Les lieux se transforment en musée et s'agrandissent en février 2017. Ils mettent en évidence sculptures et objets d'art tirés des collections de la famille Watteville

«Totalement en phase avec vous-même!»

Jusqu’à ce printemps, la galerie Art Crans-Montana avait également un atelier d’encadrement. Fabienne Ciamparini-Bagnoud détaille cette passion… et quelques autres.

Fabienne Ciamparini-Bagnoud

Il existe chez Fabienne Ciamparini-Bagnoud comme une étincelle artistique, une prédisposition face aux pinceaux et aux toiles. «Oui, je peins… Mais dans ma famille on m’a très vite fait comprendre que ce n’était pas avec ça que j’allais pouvoir gagner ma vie.» Alors Fabienne bifurque vers l’enseignement. Du français puis de l’informatique. Une branche alors balbutiante et où il y a une forte demande. Il est programmé que cela ne pouvait que cartonner ! Il n’en demeure pas moins que Fabienne s’ouvre toujours des parenthèses culturelles. « Durant mes vacances, je choisissais des villes en fonction des galeries ou des musées que je souhaitais visiter. Cela me nourrissait, des amis me suivaient dans ces périples.»

Avec l’âge s’impose l’audace des choix de vie. «Si je gardais pour moi ma peinture, je pouvais mettre en évidence le talent des autres. Je comprends l’esprit d’un artiste. C’est là que j’ai décidé de l’aider à se vendre… Je possède une réelle force de vente. J’ai donc écouté mon intuition et j’ai ouvert ma galerie.»

Comment améliorer un tableau

Jusqu’à ce printemps 2020, juste avant le Covid-19, Fabienne a pu glisser un zeste d’artistique dans sa passion. «Durant une dizaine d’années, j’ai réalisé des encadrements. Cela a commencé par une cliente qui m’a demandé si je pouvais le faire. Je me suis immédiatement renseigné pour savoir si mon assurance prenait en compte ce type de travail ! Quand j’ai livré mon premier travail, j’ai été encouragée à continuer…»

Fabienne pousse la méticulosité jusqu’à passer ses vacances à Vérone et surtout à Florence pour y suivre des cours. «C’était magnifique de recevoir les bases de la dorure à la feuille ! » Son atelier d’encadrement se met à tourner petit à petit pour le plus grand plaisir de la principale intéressée. « C’est un travail qui peut améliorer un tableau. Des cadres mal choisis étouffent une œuvre. Vous les changez, vous redécouvrez cette création. » Dans cette démarche subtile, l’erreur n’est même pas envisageable. « Vous êtes concentré, totalement en phase avec vous-même. C’est comme une méditation.»

Pis le corps a parlé. «J’ai dû arrêter à cause de douleurs dans les épaules», regrette Fabienne. L’énergie et la passion restent. Celles que notre galeriste met au service des autres pour les mettre en valeur. Autrement.

D'est en ouest, l'art est présent un peu partout sur le territoire des communes de Crans-Montana et incite à la balade les amoureux de belles découvertes.

 



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