« Madame, gardez votre belle énergie ! »
Depuis une vingtaine d’années, Sandra Emery est au volant des limousines de Taxis Central, l’entreprise familiale. Elle a noué des liens d’amitié avec certains clients, dont plusieurs célébrités.
Des horaires aléatoires, des centaines ou des milliers de kilomètres à avaler, une vigilance au volant qui ne baisse jamais sa garde. Présenté comme ça, le métier de Sandra Emery tiendrait plus du sacerdoce que du plaisir. Et pourtant, dans son taxi limousine, elle ne cache pas sa joie. « Ce qui m’anime ? C’est clairement le contact avec les gens. Il peut arriver que l’on me demande mon avis sur certains sujets, parfois d’ordre privé, peut-être ai-je un impact sur leur vie ? »
Au moment de cette interview, la journée frise les 18 heures, Sandra a roulé depuis Lausanne sur Crans-Montana, déjoué les perturbations de trafic, et elle reste plutôt alerte. On s’en étonne ? « Un client m’a dit récemment : " Madame, gardez votre belle énergie ! " En même temps, cela fait quarante-sept ans que je baigne là-dedans ! C’est ma vie ! »
Depuis son enfance, Sandra a vu son père Jean se dévouer pour sa clientèle. D’abord chauffeur de bus SMC, il a insufflé sa passion de la conduite dans sa propre entreprise, Taxis Central, voici cinquante-trois ans. D’emblée, il a offert un service limousine qui lui a construit une clientèle internationale.
MOINS CHER QU’UBER
« Nos tarifs n’ont pas bougé depuis exactement vingt-deux ans. Nous offrons les plus belles voitures de Suisse aux prix les plus abordables. Il ne peut pas y avoir de concurrence avec Uber, ils sont plus chers que nous ! Et nos clients se sentent rassurés et en confiance de voyager avec nous. » Dans un premier temps, Sandra a emprunté une autre trajectoire, celle de joueuse de golf professionnelle. Puis elle sort de ce circuit voici une quinzaine d’années et son père lui propose de passer un permis professionnel.
« Je l’ai eu du premier coup, c’était assez simple. En fait, tout s’imposait comme une évidence. J’avais déjà ce talent. J’ai eu d’emblée une petite Mercedes à disposition. J’ai apprécié les clients, les ambiances, je me suis finalement prise à mon propre jeu. »
En parallèle, Sandra s’accorde encore des moments où elle pose comme mannequin (elle est inscrite dans sept agences depuis 2017). Elle campe aussi de petits rôles devant l’objectif des caméras. Lui arrive-t-il de dormir ? « Bien sûr ! C’est simplement une question d’organisation. Il faut être disponible, flexible et se montrer arrangeante. Je peux prendre une course à 4 heures du matin ou recevoir un appel à minuit. Je m’adapte en permanence. »
La saison 2020 lui impose, par exemple, les contraintes liées au coronavirus. « Je désinfecte les sièges après chaque course, je porte des gants, voire un masque, je me montre très vigilante. » Parfois, les limousines partent de Crans-Montana et se rendent jusqu’à Paris, voire Londres. « De nos parents, nous avons "hérité ", avec mon frère Christian, d’une clientèle de qualité. Je peux, mais très rarement, tomber sur des personnes hautaines ou arrogantes. Mais cela dure le temps d’un transfert, d’une seule course. »
Inutile d’essayer d’en savoir plus, Sandra applique les règles de confidentialité. « Oui, je conduis des hommes politiques, des escorts girls, des célébrités. » Et parmi ces dernières, le récemment disparu Robert Klapisch, père du réalisateur Cédric Klapisch.
FIDÈLE RELÈVE
Cet ex-directeur de la Recherche au CERN savourait il y a encore peu sa retraite sur le Haut-Plateau. À force de recourir aux services de la famille Emery, il en était devenu un intime. Sandra, Robert l’avait connue gamine et il lui confiait tous ses déplacements : au Spa, chez son médecin, auprès de sa fiduciaire à Sion. « C’est toujours Sandra qui vient me chercher à la gare de Sierre, moi, ma famille, mes amis. Lors de mes rendez-vous, je respecte la tradition en Valais qui veut que l’on boive un coup avant et après un entretien », témoignait Robert, en bon épicurien, lors de notre entrevue réalisée quelques semaines avant sa subite disparition le 21 mars à Paris. Sandra s’adressait à lui par son prénom, mais le vousoyait, dans la digne familiarité qui empreint son métier. Alexandre, son fils, s’apprête à la rejoindre au sein de Taxis Central vers fin 2020. « C’est bien, nous aurons du renfort ! », se réjouit Sandra.
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Chez les Emery, la passion des taxis remonte à un demi-siècle. La troisième génération, incarnée par Alexandre s’apprête à donner un coup de main.
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Depuis quinze ans, Sandra était la conductrice attitrée de Robert Klapisch, physicien, qui passait une partie de sa retraite à Crans-Montana.
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Pour assurer le « service de haute qualité » exigé par l’ACCM, il convient d’avoir des voitures impeccables.
Légende photo : Sandra Emery, un planning organisé avec minutie qui lui permet d’être conductrice professionnelle de limousine, mannequin et comédienne. © Luciano Miglionico