
L’habit fait aussi la tradition
L’habit fait aussi la tradition
Un temps délaissés, les costumes valaisans sont remis en lumière à Lens. La Société des dames en costume se mobilise pour faire vivre ce fragile et précieux héritage. En conjuguant la tradition au présent, ses membres prouvent que la sauvegarde du patrimoine trouve un écho auprès de toutes les générations.
Créée en 2023 à Lens, la Société des dames en costume compte bien contribuer au renouveau du port de l’habit traditionnel valaisan. De tout âge et de tous horizons, ses membres partagent une même passion : sauvegarder un héritage vestimentaire aussi précieux que fragile, qui suscite toujours l’intérêt des jeunes générations.
« Aujourd’hui, on prend conscience que c’est un patrimoine qui est en train de se perdre et qu’il est important de sauvegarder. C’est ce que l’on souhaite faire avec les dames en costume », explique Hélène Briol, présidente et fondatrice de la société. Originaire d’Aigle et installée à Lens depuis quelques années, elle a découvert le costume lensard à l’occasion des célébrations de la Fête-Dieu et du 1er Août, jour de la fête patronale du village. Ces deux événements emblématiques voient plusieurs femmes revêtues de l’habit traditionnel défiler lors des processions religieuses en portant des étendards.
La participation à ces défilés est devenue l’une des principales missions de la société, qui accueille également des dames endossant d’autres costumes valaisans que celui de Lens. Ce projet rassemble aujourd’hui 43 membres, qui échangent des moments de convivialité. « On voulait aussi créer une société féminine dans un village qui n’en comptait pas encore, ajoute Hélène Briol. Cela favorise les amitiés et le partage. »
Chaque membre arrive souvent avec son propre costume, transmis au sein de sa famille ou confectionné pour une occasion spéciale. Pour celles qui n’en possèdent pas, la société propose des prêts. « J’ai été impressionnée par la générosité des personnes qui nous ont offert des costumes », confie Hélène Briol.
LE DÉFI DE LA TRANSMISSION
Blouse blanche, robe à plis, foulard et tablier brodés, complétés de bas et chaussures noires, et parfois d’un chapeau : chaque élément du costume traditionnel a son importance. Sa fabrication et son port suivent des critères précis. « Les plis de la robe sont faits à la main, décrit Mirina Beney-Nanchen, couturière et membre de la société. Autrefois, la hauteur du velours placé en bas de la robe et le nombre de nervures dépendaient de la fortune de la famille. Plus on était riche, plus on pouvait se permettre d’utiliser du velours. »
De nos jours, faire confectionner un costume est devenu une entreprise presque impossible. « Il est très difficile de trouver des personnes qui en fabriquent, brodent des tabliers et des foulards ou réalisent des chapeaux, observe Mirina. Et les fournitures se font de plus en plus rares et sont très chères, en particulier les dentelles, les tissus pour les blouses, ainsi que les rubans et les pailles pour les chapeaux. »
Malgré ces obstacles, un entretien soigné et quelques retouches suffisent souvent à préserver ces tenues. Mirina s’efforce également de transmettre ses compétences, notamment la fabrication des chapeaux, un savoir-faire aujourd’hui presque disparu.
LES JEUNES AUSSI SÉDUITS
Aurore Emery, une Lensarde de 24 ans, incarne ce renouveau générationnel. Elle a rejoint le comité de la société et porte avec fierté le costume de sa grand-mère, retrouvé dans une armoire après le départ en EMS de cette dernière. « Le costume est un symbole de nos origines. C’est magnifique d’en prendre soin, surtout à une époque où les vêtements sont facilement jetés », estime-t-elle. Au siècle dernier, les habits étaient en effet réalisés pour durer. Développement durable avant l’heure ? Plusieurs costumes, toujours portés, avoisinent aujourd’hui les huitante ans sans avoir perdu l’éclat de leurs premiers jours. « On porte même l’odeur de nos ancêtres ! », sourit une membre de la société.
Aurore Emery souligne également l’importance de perpétuer cette tradition. « Lors des processions, cela suscite l’intérêt des villageois et des touristes. Ils nous posent souvent des questions ou nous félicitent. C’est beau de montrer ces costumes de manière vivante, plutôt que de les voir dans un musée », se réjouit-elle.
Légende photo : Les dames en costumes portent des bannières peintes ou brodées à la main, lors des processions de la Fête-Dieu (ici en mai 2024) et du 1er août à Lens. En 2025, le spectacle des 150 ans de la Fanfare Edelweiss de Lens, qui se tiendra les 6 et 8 juin, leur permettra aussi de revêtir leurs plus beaux atours. © Luciano Miglionico
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L'âme d'un village Sylvia Bonvin, habitante de Lens, a brodé environ 130 foulards et tabliers durant vingt ans. « Le costume, c’est l’âme d’un village, souligne-t-elle. Je suis heureuse que des femmes le remettent, mais il est important de le porter avec respect et conscience de la culture locale. »
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Minutie et variété Les costumes les plus anciens n’étaient pas brodés ou réalisés avec des tissus moirés. On voulait de la modestie. Puis, les broderies ont représenté des motifs inspirés du paysage local : des fleurs, des papillons ou des oiseaux. Un costume brodé requiert entre 120 et 150 heures de travail.
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Pièce en voie de disparition Le chapeau, réalisé à partir de paille tressée et d’un savant assemblage de rubans, n’est plus guère porté. Sa fabrication est complexe, les matériaux rares. Conçu dans les années 1920-1930, ce modèle complète le costume de Lens pour les jours de fête.