La mémoire en images

Depuis plus de cent ans, la famille Deprez capte sur pellicule la vie de Crans-Montana. Trois générations de photographes, témoins et acteurs de la vie locale, ont constitué de précieuses archives sur le ski, les people et le temps qui passe.

Hervé Deprez revient de l’arrière-boutique les bras chargés d’albums photos. Sur le comptoir, au hasard des pages tournées, on découvre Pirmin Zurbriggen et Erika Hess, tout sourires, arborant leurs médailles au milieu d’une foule en liesse : « Lors des Championnats du monde de 1987, mon père était le photographe officiel des organisateurs. Moi-même, j’ai surtout photographié les courses. J’étais jeune étudiant mais j’ai séché les cours sous prétexte de maladie. Au retour en classe, j’avais les traces du bronzage des lunettes de soleil. »

La saga des Deprez débute en 1917 avec Jean, un Belge venu en convalescence au sanatorium. Après avoir rencontré et épousé une institutrice anniviarde, ce passionné de photographie ouvre un studio en 1922. À l’époque, touristes et habitants venaient en famille se faire tirer le portrait. Décédé quelques années plus tard, Jean ne transmettra que peu d'images, la plus grande partie de ce fonds ayant été perdue lors d’une inondation survenue à l’occasion de l’explosion d’une conduite de gaz. De ce  précieux fonds documentaire, il ne subsistera que quelques reproductions papier.

Certaines images témoignent d’événements précis. Celle-ci fait part de la perte d’une partie du fonds photographique de
Jean Deprez lors de l’explosion de la conduite de gaz située devant l’ancien magasin.

PRÉCIEUX SOUVENIRS

La boutique actuelle regorge de souvenirs. Au mur est affichée la photo noir et blanc du premier magasin, un chalet de bois bordé par une rue enneigée. Hervé se souvient : « Mon père Telesphore, a beaucoup photographié le développement de la station, de l’hôtellerie et l’architecture pour des prospectus publicitaires. Nous avons conservé toutes les photos originales. En parcourant les nombreux classeurs et albums, on peut reconstituer l’histoire de l’ensemble de la station. »

Il n’est pas rare que des clients demandent des reproductions d’anciens tirages. Dans plusieurs restaurants et hôtels, on peut découvrir la vie des alpages ou sur les pistes de ski, photographiée en noir et blanc. Dans les années 60-70, Gilbert Bécaud, Charles Aznavour et bien d’autres artistes fréquentaient la station en toute décontraction. Hervé, encore enfant à l’époque, se souvient d’un univers particulier : « Il y avait une ambiance de village, légère et décontractée. C’étaient de bons clients mais ça restait tout de même assez superficiel. Moi-même, j’ai toujours pris soin de séparer business et amitié. »

Vers la fin des années 1990, les premiers « minilabs » font leur apparition. Ces machines qui permettent de développer rapidement les pellicules, offrent aux photographes de nouvelles perspectives. Hervé emploie alors plusieurs filmeurs, des photographes engagés pour immortaliser les vacances des touristes. Puis, au début des années 2000, l’arrivée du numérique bouscule les habitudes et les touristes se détournent des laboratoires photographiques. La demande pour de belles images, réalisées par des professionnels est restée intacte et le commerce évolue. Dans sa pratique quotidienne, Hervé Deprez, toujours passionné par le ski, offre ses services aux athlètes, lors des courses FIS notamment.

Légende photo : Les archives de la famille Deprez regorgent de trésors. Hervé, troisième du nom, a fait ses armes de photographe lors du Championnat du monde de ski alpin de 1987. © Pierre-Armand Dussex